C'est une petite pièce de lingerie qui semble toujours avoir existé dans la garde-robe féminine. Pourtant le soutien-gorge n'est inventé qu'à la fin du XIXe siècle pour libérer les femmes du corset, qui les emprisonne depuis la Renaissance. D'abord décrié, le soutien-gorge s'impose à partir de la Première Guerre mondiale. Il modèle la silhouette des femmes tout au long du XXe siècle et ne cesse de changer d'apparence, au gré des innovations techniques et des modes. D'abord simple corset coupé en deux, il se fait aplatisseur dans les années folles pour gommer la poitrine, puis prend la forme d'un obus après la Seconde Guerre mondiale pour imiter la plastique des pin-up. Il se pare de balconnet pour souligner les rondeurs pigeonnantes d'une Brigitte Bardot ou se rembourre pour devenir push up et faire saillir les seins d'un vertigineux décolleté… Symbole par excellence de la féminité qu'il exacerbe, il est pris à parti chaque fois que les femmes s'émancipent ou se rebellent. Le soutien-gorge se fait alors discret, voire disparaît comme dans les années 1960-70 où les féministes le jettent à la poubelle, ou plus récemment lors de la crise du Covid quand certaines femmes décident de ne plus en porter… Le soutien-gorge, tantôt élément indispensable de mode, tantôt voué aux gémonies, a traversé le XXe siècle et franchi les frontières. Invention occidentale, il a conquis tous les continents : exporté par les colonisateurs, puis par les GI's, il a été adopté par toutes les femmes du monde. Aujourd'hui 1,46 milliards de soutien-gorge sont fabriqués chaque année… Reflet de la condition féminine, dans son émancipation comme dans la régression, ce petit morceau d'étoffe raconte en creux une histoire du monde et des femmes.

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